Le diable parle toutes les langues

Le diable parle toutes les langues

Jennifer Richard a évité les pièges de la biographie romancée. Elle n’a pas péché par didactisme, vêtu son fantôme des habits de la modernité, ni même tenté de le parer des ors qui lui faisaient défaut. Le marchand de canons Sir Basil Zaharoff nous apparaît tel qu’il a été : un businessman opportuniste et sans scrupule, complice d’une caste politico-militaro-industrielle dont il a fourbi les ambitions (« Leurs méfaits, si gros qu’ils prennent la forme d’une bifurcation des évènements et s’inscrivent dans les livres d’histoire, ne se voient plus, à hauteur d’homme »).

Accomplissant un remarquable travail d’historienne, elle nous révèle les secrets du magnat : un cynisme de rigueur, un égoïsme aux vertus capitalistes, une empathie toujours feinte et ce refus, oriental et catégorique, de ne pas laisser la foi et la superstition se mêler des affaires. Sir Basil Zaharoff a l’art de flatter son prochain, de provoquer la jalousie ou de casser les grèves. Il a une conception de l’humanité fondée sur l’affrontement permanent des peuples. La paix (et ses représentants, tel Jaurès) est son ennemie.

Si le récit de sa participation indirecte aux tristes épisodes de l’histoire est passionnant, ce sont les tourments de son âme qui m’ont fascinée. Jennifer Richard nous les rapporte avec finesse et talent. Le fait qu’elle soit une femme n’est d’ailleurs pas étranger à la mesure de son emballement, à la qualité de son écriture. Une femme a moins de complaisance, moins la tentation de s’émerveiller devant ces joujoux de mort, d’en faire les instruments d’un texte qui, en devenant épique, tomberait dans l’indécence.

« Le diable parle toutes les langues » (très beau titre) est le pendant littéraire de l’excellent film « Lord of war ».

Bilan : 🌹🌹🌹

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