Les saisons

Les saisons

Siméon n’a qu’une ambition : coucher sur le papier ses douloureux souvenirs. Il en ressent la pressante nécessité, telle une purge. Pour se poser, il a choisi un village que l’on situe (et vous me pardonnerez l’expression) au trou du cul du monde habité. Siméon, avec pour seuls bagages sa candeur et ses ramettes de papier, va faire l’expérience de son identité d’étranger. Il y a sur sa route des personnages extravagants, aussi fascinants que repoussants, décrits de manière fabuleuse (p18, p40) et qui se nourrissent exclusivement de lentilles (sous toutes ses formes). Il y a la grosse aubergiste qui provoque des tremblements de terre à chaque fois qu’elle ôte son corset. Le rebouteux qui opère avec le même entrain, et les mêmes moyens, les hommes et les bêtes. La petite Louana qui en sait beaucoup trop sur la reproduction. Et puis, et puis (reprendre l’air de Frida de Jacques Brel), il y a Clara qui n’est pas belle comme un soleil, qui fait un drôle d’usage des grenouilles mais dont la toilette a ému Siméon et qui, par la seule vision de sa nudité, justifie ses souffrances. Quel bestiaire humain ! Toutes ces gueules perchées entre Délicatessen et le Nom de la rose, magnifiées dans des descriptions de haute volée qui font honneur à la langue française. Un régal. C’est une histoire loufoque, déjantée, à la limite du fantastique, dont la première partie a dû inspirer l’un des premiers romans de Douglas Kennedy, Piège Nuptial. Le personnage de Siméon est très attachant. On le suit dans ses aventures improbables, tantôt avec horreur, tantôt avec amusement. Cette fable fantastique dissimule aussi des morales. Quand on se coupe du monde, on s’ampute (les Lacaniens apprécieront en le lisant). Non que l’herbe soit plus verte ailleurs, mais on se lasse de la regarder pousser. Maurice Pons s’était donné la peine d’inventer une histoire, et de la raconter de la plus belle manière possible. Fait rare, de nos jours.

Bilan 🌹🌹🌹

Une histoire italienne

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Dans les bagnes du tsar

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