Guerre

« Dors ou dors pas, titube, trombone, chancelle, dégueule, écume, pustule, fébrile, écrase, trahis, ne te gêne guère, c’est une question de vent qui souffle, tu ne seras jamais aussi atroce et déconneur que le monde entier ».
Ce roman est l’antichambre de « Mort à crédit ». Comme le dit Céline : « J’ai attrapé la guerre dans ma tête ». L’épreuve du premier conflit mondial a donné matière à ses récits, à des migraines qui l’ont tourmenté jusqu’à ses derniers jours, jusqu’à ses égarements : « J’ai l’âme plus dure, comme un biceps. (…) J’ai appris à faire de la musique, du pardon et, vous le voyez, de la belle littérature aussi, avec des petits morceaux d’horreur arrachés au bruit qui n’en finira jamais ».

Dans « Guerre », on retrouve l’audace et la gouaille de l’écrivain. Sa langue est inventive, furieuse et sans entrave. Il se joue de la grammaire et des conventions pour que les émotions soient brutes et les coups, portés là où la douleur sera plus forte.

Un génie littéraire produit des pages dont la musicalité emporte à chaque relecture. Céline est ce génie et je ne me lasse pas de relire les pages 46, 66, 75, 87, 107 ou 134.

Comme un tableau vivant de Toulouse-Lautrec, l’écriture de Céline transmet les saveurs d’une époque. Les impressions sont intactes, traversent les siècles. Les mots employés n’y sont pas étrangers. Le vocabulaire argotique donne au récit une facture unique, une tonalité d’un autre temps. Quelles merveilles (entre autres) que ces agonique, bobèche, brise-bise, lazaret, miché, mouscaille, picolo, rigodon et rouscailler, que l’éditeur a eu la bonne idée d’expliquer dans un lexique.

« Guerre » est raturé, annoté, parfois hésitant. Il en devient passionnant parce que la vie de Louis Destouches y côtoie son imagination débordante.

Bilan : 🌹🌹

Le couloir rouge

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Les portes de la grande muraille

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