Mes coureurs imaginaires

Mes coureurs imaginaires

On n’a jamais aussi bien écrit sur le vélo depuis Antoine Blondin. Parce que, comme l’auteur du « Tour de France en quatre et vingt jours », Olivier Haralambon fait de la course cycliste une métaphore de la vie, avec ses ascensions difficiles, ses pentes trop raides, ses descentes vertigineuses, ses sprints endiablés et ces lignes d’arrivées qu’on franchit in extremis. Ce livre est un peloton, un groupement compact et solidaire de douze portraits de coureurs dont les trajectoires s’effacent devant les sacrifices et l’urgence de la victoire. C’est l’histoire de douze hommes amoureux de la même femme : la petite reine. Douze portraits empreints de tendresse et de nostalgie, entre la vedette oubliée, le coureur de jupon et le reconverti dans le commerce. 
Les sports de course ne m’ont jamais passionnée. J’ai vu mon père s’enthousiasmer devant sa télé pour les montées de l’Alpe d’Huez, au temps où Bernard Hinault dominait la grande boucle. Depuis les années quatre-vingt-dix, j’ai l’impression que tout est joué d’avance, que le vainqueur est celui qui a bénéficié du meilleur docteur Folamour. La dimension épique de ce sport, aux limites des possibilités humaines, semble avoir disparu. D’ailleurs l’auteur s’intéresse moins aux exploits qu’aux débandades, aux trophées qu’aux souffrances endurées, comme si, finalement, le coureur cycliste est l’un d’entre nous qui, par magie ou par hasard, est devenu un centaure paré de mille couleurs, présenté à la foule, condamné à se surpasser. Haralambon écrit avec justesse, dans une langue chérie et travaillée, où l’érudition vient toujours à propos. Voici un extrait : « il traverse des fumées épaisses et colorées dans les cris et le hurlement des klaxons à air comprimé. Il a beau se retrancher dans l’intimité de ses propres gémissements, de sa respiration sifflante et de la violence de son pouls, tous ces culs nus qui courent et tremblotent à ses côtés, ces perruques secouées et ces bouches éructantes, c’est comme toutes les fêtes quand tu n’es pas d’humeur : ça ressemble à l’enfer. Il pédale dans un tableau de Jérôme Bosch ». Chez Haralambon, la description des corps en mouvement est impressionnante de grâce et de précision, incarnée à l’extrême, comme si Rodin était passé à l’écriture. Mention spéciale pour le douzième hommage à un cycliste… femme, évocation pudique d’une pionnière incomprise, Jeannie Longo.

Bilan : 🌹🌹

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