Dernières nouvelles de Rome

Dernières nouvelles de Rome

Nous sommes en 1969, en Italie. Alors qu’il est pressenti pour réformer le parti communiste (« Dire la vérité, c’est révolutionnaire »), Nicola Palumbo le plaque en plein meeting. À quoi bon poursuivre le combat des inégalités puisque c’est bonnet rouge et rouge bonnet ? Les marxistes d’aujourd’hui sont les rentiers blasés de demain. Oscar Wilde avait raison : « le communisme ne marchera jamais, ça occupe trop de soirée ».

Désabusé, mû par une curiosité anthropologique, il se fait embaucher dans un magasin de canapés. Là, bien installé dans l’antre du consumérisme, il peut observer le petit bourgeois qui préfère le confort de son sofa à la lutte des classes. On posera bien quelques bombes, on collera aussi quelques affiches mais que ça ne dure pas trop longtemps parce que dimanche, la Roma joue contre la Juventus et qu’à ce petit jeu, la pizza margherita va refroidir.

J’ai relevé de nombreux passages réjouissants : le portrait de la nonna (p32), le flirt avec Silvana Mangano (p50), le défi lancé au psychanalyste (p117) et surtout, la magistrale réflexion sur la mort de l’amour et du travail (p38), résumé lucide de notre servilité contemporaine orchestrée par les plateformes et l’IA. Palumbo prédit le triomphe de l’homme moyen, prolongement du petit bourgeois. Nous y sommes. Le fascisme consumériste ayant tout emporté (Pasolini l’avait écrit), l’ennui et la médiocrité consensuelle vont s’installer durablement. De quoi nourrir un autre type de révolte (p88) ? À moins de perdre toutes ses illusions, de tomber dans le cynisme (« Comment m’y suis-je pris pour ne plus croire en rien ? ») et de risquer l’inexistence.

Le propos de Jean Le Gall est brillant, son écriture maîtrisée. Ça se déguste comme un film de Nanni Moretti ou d’Elio Petri.

Appréciation : 🌹🌹

Reverdir

Reverdir