Satie
Depuis l’adolescence, je suis obsédée par la Gnosienne n°1, par son air mystérieux, doux amer, mélange subtile de lumière filtrante et de désespoir contenu (« Ce qu’il visait, c’était l’immobilité de la forme, l’apesanteur soutenue par un rythme si lent qu’il semblait à l’arrêt »).
Obsédée au point de la glisser entre les lignes de l’un de mes romans. Alors quand j’ai vu qu’une biographie romancée d’Erik Satie sortait, je n’ai pas pu résister.
J’ai commencé la lecture avec appréhension. Entrevoir le vrai visage de l’artiste est périlleux. La déception guette tant l’admiration est grande.
Satie était ailurophile et syllogomane, un homme rétif au voyage dont la vie était réglée comme du papier à musique, malheureux en amour, irascible à la moindre contrariété. Il était doué pour embarrasser la compagnie mais ô combien attachant et surtout, en avance sur un temps dont il se moquait éperdument (« La veste aussi étriquée qu’étaient larges ses idées, vastes et parcimonieuses de ses émotions, distillées comme des gouttes de pluie, en été ».) L’amour de Satie pour la pluie et le blanc : une confirmation autant qu’un soulagement. C’était donc cela…
Le roman de Patrick Roegiers donne l’occasion de découvrir ses œuvres méconnues comme la partition du ballet controversé « Relâche » (passionnantes pages 125-128) annoncé en ces termes « Apportez vos lunettes noires et de quoi vous boucher les oreilles » ou la déroutante « Vexations » (p147), une phrase musicale qu’il faut rejouer 840 fois, exhumée par John Cage.
La dernière partie du livre est moins convaincante, prétexte aux portraits des célébrités de l’époque. Intéressante quand Satie rencontre ses pairs musiciens, Ravel, Debussy ou Stravinsky. Anecdotique quand l’auteur expose les manies des people, le tout dilué dans un cortège funéraire anachronique et débridé.
Appréciation : 🌹