J’ai le souvenir d’un train matinal et bondé. Seules deux rebelles ont un livre entre les mains : une vieille dame et moi. Les autres sont atteints de diabêtise, intoxiqués par des sucreries cognitives telles que Tik-Tok et Candy Crush.
La lecture est devenue une résistance. Elle demande de l’attention, de la concentration et cette notion qui rebute une génération en quête de plaisir instantané : l’effort.
Ni curiosité ni réflexion. Ils délèguent leur culture générale à Wikipedia et leur sens critique à ChatGPT. Ils finissent idiorants (idiots et ignorants), tributaires de plateformes viciées par l’insuffisance de références et de curation. Quelle est ta source, jeune femme ? Quel est donc ce nouveau maître, jeune homme ? Le réalisateur coréen Bon Joon-Ho appelle les productions de l’IA « la malbouffe mentale ». La réalisatrice Céline Song ajoute : « l’IA prend le contrôle sur ce qui fait la beauté de la vie et sa créativité. Quand je travaille avec mon directeur de la photographie, je bénéficie de son savoir-faire qui a été façonné par son parcours, ses réussites et ses échecs. Quelque chose qu’un algorithme ne peut générer ».
« Littéraflure, ma chérie, te voilà donc rétrograde ? En d’autres temps, la machine a soulagé l’homme ! » Mais de quoi l’IA nous soulage-t-elle, hormis de quelques taches répétitives ? De ce qui fait l’homme et le distingue de l’animal, son esprit critique, ses connaissances ! C’est donc ça le grand progrès ? La déresponsabilisation de nos cerveaux ?
Cette année, on a pointé le manque d’imagination des auteurs et regretté qu’ils ne s’intéressent qu’à leur famille. Face au plus grand risque de l’uniformisation, c’est un moindre mal ! Surtout lorsqu’un écrivain tel que Laurent Mauvignier s’emploie à réinventer l’intime. Je salue les Goncourt d’avoir récompensé un roman qui se mérite, s’apprivoise et s’apprécie avec le temps - ce qu’aucune IA ne peut répliquer.




