La mort à Venise

La mort à Venise

 

Ayant choisi Venise pour destination de Noël, le roman de Thomas Mann s’imposait, d’autant que le souvenir de ma lecture de la biographie de Colm Tóibín était encore vif. La cité des Doges est un fruit mûr qui se savoure. Souvent trop mûr, il provoque l’écœurement. Pourriture et ravissement s’y confondent sans cesse.

L’histoire, on la connait. L’écrivain Aschenbach s’échoue volontairement sur le Lido, en quête d’un nouveau souffle. D’abord vivifiant, l’air devient fétide. Son adoration du jeune Tadzio, pourtant synonyme de renaissance, l’entraîne vers la mort : il est au centre du combat sans merci que se livrent Éros et Thanatos. Venise est le parfait théâtre de sa lente décomposition.

En relisant ce chef d’œuvre, il m’a semblé que l’écrivain était tombé dans un piège maléfique, prisonnier d’un jeu de miroirs aux reflets empoisonnés. Le vieux beau du vaporetto, d’abord, grimé jusqu’à l’outrance (p43), dont il méprise les vains efforts. La mer, ensuite, qui se joue de son âme accablée. Le jeune Polonais, enfin, qu’il s’évertue à trouver fragile, incapable d’en supporter la divine perfection et l’arrogante jeunesse.

Thomas Mann a raison, à Venise, mort et décadence sont omniprésentes, de ces gondoles aux allures de cercueil à ces foules assoiffées d’une beauté de carte postale. C’est plus fort qu’elle, « à chaque fois que Venise commençait à exercer son charme, le mercantilisme rapace de la reine des mers déchue venait avec une insistance désagréable dégriser l’imagination ». Une réflexion qui n’a pas pris une ride : il suffit de voir les hordes de touristes dégueuler de la place Saint-Marc, le regard halluciné, armés de leurs emplettes griffées, repus d’agapes globalisées, ignorant la glorieuse postérité qui les entoure et leur préférant l’éphémère représentation de leurs égos atrophiés par la bêtise et l’ennui.

Bilan : 🌹🌹

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