Le colonel ne dort pas

Le colonel ne dort pas

Il fut un temps - quand je vivais à l’étranger – où je fréquentais des correspondants de guerre. Quelque chose me mettait mal à l’aise dans leurs échanges : l’excitation morbide qui les rythmait. C’était à qui racontait l’horreur la plus spectaculaire, la plus inédite. Ils semblaient tenir une fierté mal placée à frôler un danger que d’autres, acteurs et non rapporteurs, payaient de leurs vies. De l’étonnement méticuleux de ces journalistes sortaient parfois de bons articles, rarement de bons romans.
C’est le sentiment que j’ai eu en lisant le dernier opus d’Émilienne Malfatto. Un sentiment de gâchis et d’inachevé, d’un sujet beaucoup trop grave pour être effleuré de cette manière. Ce que l’éditeur appelle « force » est la somme de partis pris paresseux : un dialogue intérieur convenu, des ellipses coupables et des non-dits comme autant d’aveux d’échecs à retranscrire la complexité du thème abordé. Pour mesurer l’indigence de ce petit roman je vous invite à découvrir, par comparaison, l’extraordinaire « Où j’ai laissé mon âme » de Jérôme Ferrari (Actes Sud). Sur la question de la torture, du bourreau à jamais prisonnier du souvenir de ses victimes, c’est un des romans les plus puissants que j’ai jamais lus (avec « La Question » d’Henri Alleg).

Malfatto a raté le coche. Le sujet du spécialiste, du fonctionnaire de la torture était prometteur. Or elle ne trouve la profondeur et l’inspiration qu’à de trop rares instants (p43).

Bilan : 🔪

 

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La mort à Venise

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