Le jeune homme

Le jeune homme

Pour une fois, le marketing ne s’est pas trompé : « Le jeune homme » est une parfaite introduction à l’œuvre d’Annie Ernaux.

On glose sur ces hommes qui s’entichent de femmes beaucoup plus jeunes qu’eux, voulant prouver, dans un dernier sursaut d’orgueil, qu’ils n’ont rien perdu de leur pouvoir de séduction. Qu’en est-il du contraire ? Annie Ernaux y répond avec pudeur et profondeur, lestée des tabous, soucieuse de ne pas altérer son jugement sous le poids des conventions, rejoignant parfois Houellebecq qu’on avait tant brocardé sur un sujet similaire : « Elles connaissaient leur place dans la réalité du marché sexuel, que celui-ci soit transgressé par une de leurs semblables leur donnait de l’espoir et de l’audace »

C’est une femme d’âge mûre qui s’enivre de la jeunesse de son partenaire (« Il me vouait une ferveur dont, à cinquante-quatre ans, je n’avais jamais été l’objet de la part d’un amant »). Une femme lucide, qui avance en funambule, entre le désir de ressusciter les premiers émois du corps et la peur de céder à sa cruauté, dans le pâle éclat du miroir (« Je répondais que le présent suffisait, ne disant jamais que le présent n’était pour moi qu’un passé dupliqué ».

L’écriture d’Annie Ernaux est un modèle de justesse et de retenue. On peut exprimer tant de sentiments par les détours et les ellipses ! Comme ce magnifique passage où, écoutant un disque des Doors et se laissant entraîner par le plaisir, l’auteure évoque ainsi le point culminant de sa jouissance : « À un moment je cessais d’entendre la musique ».

C’est un livre qu’il faudrait mettre entre les mains de cette génération d’auteurs qui confond originalité et provocation, précision et pertinence.

Et vous, quel roman d’Annie Ernaux conseillerez-vous ?

Bilan : 🌹🌹

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