La colère et l'envie

La colère et l'envie

Je me suis d’abord posé cette question : est-ce que ce texte aurait le même poids s’il n’avait pas été écrit par une enfant précoce, si son exceptionnelle maturité n’avait pas été autant médiatisée ? En bref, sommes-nous en présence d’un « phénomène de foire » ?

La réponse est négative : ce texte est intrinsèquement bon. Le fait qu’une jeune femme de vingt ans en soit l’auteure le rend encore plus exceptionnel.

Isor, la protagoniste, est enfermée dans un silence hermétique, son monde, opposé à ce qui l‘entoure et qu’elle observe avec défiance : « Moi j’étais persuadé que c’était cela qui la mettait en colère, de ne rien comprendre… Mais elle ne fait aucun effort pour saisir quoi que ce soit ».

Ses parents sont désemparés. Que faire de cette fille tantôt mutique, tantôt irascible ? Au diable les spécialistes, les psys, les doctes, leur décision est prise : « À partir de là, nous avons décidé de ne compter que sur nous-mêmes ».

En grandissant, Isor s’éveille au son des langues étrangères, sur d’imprévisibles impulsions. Elle se fraye un chemin dans l’inconnu. Il lui faut un guide, il s’appelle Lucien, un septuagénaire au passé cabossé. De leur alchimie naîtra le miracle, l’épanouissement d’Isor. Ses fugues qui se changent en voyages et ses non-dits, en poésie.

J’ai aimé la construction de ce livre. D’abord le désarroi du père et de la mère, qui s’égarent en conjectures dans un impossible dialogue. La déclaration du vieux Lucien, ensuite, que l’affection d’Isor réconcilie avec la vie. Les lettres d’Isor enfin, écrites à l’encre de ses émotions brutes, au mépris de la grammaire, avec cette émouvante manière de confondre le présent, le passé et le futur des verbes qu’elle conjugue, comme s’ils ne faisaient qu’un.

Cette rentrée littéraire 2023 se distingue par la qualité de ses premiers romans. « La colère et l’envie » en est la preuve supplémentaire.

Bilan :🌹🌹🌹

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