Pierre,

Pierre,

Le jour de Noël, les âmes en peine broient du noir. Christian Bobin, lui, s’en remet à Pierre. D’un naturel casanier, porté sur l’introspection, il se fait doucement violence et s’engouffre dans l’hiver, en quête du peintre centenaire. Le temps du voyage, il nous parle de Soulages, de son œuvre, de ce qu’il doit à la vie, de ce qu’il attend de la mort. Bobin est un poète, un mystique, un funambule nostalgique qui oscille entre l’admiration du monde et l’horreur que ses formes contemporaines lui inspirent. Dans les Outrenoirs de Soulages, Bobin trouve la paix et la sérénité. Il se fatigue des images et des paroles (« Radotages qui font le monde. Un bâillon de mots qu’on nous fourre dans la bouche » - p41). Il rejette avec force le consumérisme dont les gares, par exemple, sont devenues les temples (« Les mendiants roumains sont mille fois moins brutaux que les publicitaires » -p38). L’absolu et la vérité, privés de toutes contingences humaines sont au bout de l’émerveillement : « il y a une réalité infiniment plus grande que toute réalité, qui froisse et broie et enflamme toutes les apparences ». Je n’avais pas lu cet auteur depuis son roman « Le très-bas ». Tel un moine sublimant ses enluminures, Christian Bobin ciselle ses phrases, les polit, en extrait l’essentiel. Il ne justifie son existence que par cet acte de création, vu comme un acte de résistance (« Pour tenir face à la mitraille du néant, pour ne pas se coucher de lassitude sur la terre meuble des conventions, on écrit, on compose, on peint »). Si ce livre m’a comblée par son exigence et sa beauté, ses intentions m’interrogent. J’ai cru ressentir de l’aigreur, du renoncement, voire un soupçon d’agacement. La peur d’être incompris ? Certaines tournures de phrase m’ont laissée perplexe : « (…) sur la route qui s’essouffle d’être montrée jusqu’à ton portail et qui se tait maintenant, sa respiration goudronnée entravée par du gravier ».

Bilan : 🌹

Le bruit des tuiles

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Avant que j'oublie

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