Soif

Soif

Ce roman est un péché d’orgueil de la page 1 à la page 86, et un chef d’œuvre de la page 87 à la page 152. Amélie Nothomb a tellement pris la grosse tête qu’elle doit porter des chapeaux. Il lui fallait donc un protagoniste à la hauteur de sa mégalomanie : Jésus. L’image d’Amélie fait désormais la couverture de ses livres, comme si son portrait résumait son œuvre. Chaque année, un Nothomb, plus ou moins bon, comme le Beaujolais. J’en étais restée à « Stupeur et tremblement », les suivants m’avaient déçue. Si « Soif » est sélectionné au Goncourt il doit y avoir une raison. Alors, je l’achète. Amélie Nothomb a pris un risque, il faut lui reconnaître cela. De la page 1 à la page 86, elle utilise un registre qui ne fonctionne pas, avec d’inexplicables chutes de ton, des anachronismes, de la gaudriole à gogo : l’enfant trop agité (page 9), les fumisteries (p13), Ponce Pilate qui « tend une perche », le geôlier qui conseille « d’être d’attaque » (p19), la vierge Marie qui est « pompette » aux noces de Cana (p27). Son Christ rappelle souvent au lecteur qu’il est un homme, comme pour justifier la légèreté de son langage. Tout change page 87 quand le Christ monte en croix. Les derniers à plaisanter sur la crucifixion étaient les Monty Pythons avec « La Vie de Brian ». Par je ne sais quel miracle, Amélie Nothomb ne s’y essaye pas, choisit enfin la gravité, le respect… et le roman se transforme, devient sensible, intelligent et profond. Elle excelle dans l’exégèse, ses réflexions (la soif de Dieu, le sens du sacrifice, la signification de la mort) sont merveilleuses, on voudrait toutes les noter. Rien que pour ces 70 dernières pages, il faut acheter « Soif ». Dommage qu’elle n’ait pas tenu la même posture depuis la première ligne. L’écrivain irlandais Colm Tòibín n’était pas tombé dans le piège avec « Le testament de Marie ». Pour son œuvre prolifique et ces 70 dernières pages, Amélie Nothomb a de fortes chances de remporter le Goncourt.

Bilan : 🔪🌹🌹

 

Borgo Vecchio

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Journal de L.

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