Americanah

Americanah est un très grand roman. Il contredit la convention selon laquelle le roman n’est pas un lieu du débat et d’opinion. 

L’héroïne, Ifemelu, choisit de quitter son Nigeria natal pour vivre aux États-Unis et devient ainsi une « Americanah ». Elle est confrontée à la question raciale, qui l’amènera à l’écriture d’un blog engagé. Avec son statut d’immigrée, elle examine au scalpel la manière dont sont traités ses frères et sœurs de peau. L’analyse est subtile, le constat sans appel (« la race n’est pas un génotype ; la race est un phénotype »). Oui, il y a une hiérarchie entre les races, même inconsciente. Oui, il y a une grande injustice, quel qu’en soit le déni. 

La prouesse de Chimamanda Ngozi Adichie est d’avoir abordé la question raciale sans tabou, avec subtilité et profondeur, dans la psyché de ses personnages (pages 16, 353, 431), dans ses dialogues (pages 187, 191, 226, 407) et bien-sûr dans le blog de son personnage central, Ifemelu (pages 278, 308, 322, 332, 464, 480). Avec un sens de l’observation surdéveloppé, elle critique aussi l’hypocrisie et la superficialité de la société américaine (savoureuses pages 195, 203, 402, 424). 

Le caractère d’Ifemelu est à l’image de sa chevelure : indomptable. Elle ne peut se résoudre à ce qui est lisse (sa coiffure, sa vie, ses amants). Quand elle revient à Lagos, elle comprend ce qui n’allait pas aux USA : à l’illusion de la perfection, elle préfère la sincérité du délabrement ; car ce roman est aussi une interrogation sur nos vraies racines (« where we belong »). 

Le seul inconvénient, avec ce livre magnifique, c’est qu’ensuite, les romans français vont paraîtront parfois d’une fadeur et d’une vacuité extrêmes.

Bilan : 🌹🌹🌹

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