Corps et âme

Un chef d’œuvre qui rejoint le panthéon de mes romans américains ou figurent en bonne place « Le chardonneret », « Matin Eden », « Karoo », « Tous les hommes du roi », « Shibumi » ou « Les frères Holt ».

« Corps et âme » raconte la genèse d’un virtuose du piano, l’histoire d’un jeune prodige, Claude, parti d’un foyer monoparental un peu bancal et d’un quartier pauvre qui le prédestinait à d’autres servitudes. Sa curiosité l’a sauvé et l’a placé sur la route d’un mélomane qui survit de la vente des instruments de musique. Claude devra tout apprendre, le solfège comme les bonnes manières.

Un roman profondément américain par son obsession : la promesse de la réussite par la seule dynamique du travail et du talent. Les mauvais génies ont épargné Claude. Vu d’Europe, c’est une gentille illusion. Vu de New York, c’est la preuve que tout rêve peut se réaliser. À moins, bien-sûr, que New York elle-même ne vous écrase, tel un béhémoth revanchard.

Le miracle de ce roman, c’est aussi de parler de musique sans ennuyer le lecteur. L’émerveillement (parfois mystique) de l’apprenti pianiste est omniprésent : « Claude eût voulu quitter son corps, suivre la musique, là où elle s’en était allée, dans l’hyperespace, quel qu’il fût, qui l’avait avalée ».

Franck Conroy apporte la preuve éclatante qu’un grand roman, outre une histoire finement ciselée, tient à l’épaisseur de ses personnages. Claude, Emma (la mère approximative), M. Weisfeld (le père spirituel), Al (la petite frappe accommodante), Catherine (l’irrésistible dédaigneuse) ont en commun d’être inoubliables. Dans dix ans, je serai capable de les évoquer sans faillir, avec une émotion toujours intacte.

Abandonnez ce que vous lisez et précipitez-vous chez votre libraire : « Corps et âme », c’est 700 pages de bonheur littéraire en Folio.

Bilan : 🌹🌹🌹

Watergang

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