Fille

Une réussite totale. Il est des auteurs qui jettent leur enfance dans leur premier roman. Et puis, il y a ceux, telle Camille Laurens, qui la révèlent avec pudeur et lucidité, au soir d’une vie bien remplie.

Ça veut dire quoi « être une fille » ? Laurens constate, sans amertume, que c’est une convention, une vilaine habitude. Dans l’histoire de nos civilisations, la fille est un non-garçon, un échec, un regret. D’ailleurs les filles peuvent être des garçons manqués (voir des garçons manquants – comme un chaînon), mais rarement l’inverse. Cette convention, ce trouble, le langage en est le colporteur. Il faut être attentif aux paroles, aux doubles sens. Les maux des filles se cachent souvent dans les mots des garçons. Freud et Lacan ne sont pas loin (en-vie, insecte/inceste, auxquels on rajouterait le célèbre j’ai tout fait/j’étouffais) mais il est salutaire de tenir ces psys à distance, semble nous dire Laurens, parce que ce sont des hommes et qu’on peut donc les suspecter de « mâle-honnêteté ». 

« Fille » est un magnifique roman sur la transmission, sur la difficulté d’éduquer les filles, justement. Dans cette entreprise, Laurens, devenue mère, n’échappe pas aux peurs ancestrales, à cette difficulté que nous avons à revoir la signification du genre, à accepter qu’une fille puisse en aimer une autre et qu’elle n’en demeure pas moins « fille ».

La dernière partie de son livre n’est pas un aveu d’impuissance ni même une autocritique mais une déclaration d’amour, une invitation à célébrer la fille sans y voir l’ombre portée du garçon.

Bilan : 🌹🌹🌹

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