La plus secrète mémoire des hommes

La plus secrète mémoire des hommes

Ce livre est un cri, un appel lancé à cette coterie parisienne qui fait et défait l’honneur des écrivains. Est-il possible de juger un roman en faisant abstraction de l’identité de son auteur, de sa couleur, de ses origines ou de ses déclarations ? (p235) Peut-on s’enivrer d’un texte en s’affranchissant de l’espace et du temps ? Mohamed Mbougar Sarr mérite le Goncourt. Non pas parce qu’il est noir, africain et qu’il porte le prénom d’un prophète – oh la belle étiquette en ces temps de woke et d’inclusion. Mohamed Mbougar Sarr mérite le Goncourt parce que son livre est admirable. C’est tout ! Il y eut Texaco, il y aura « La plus secrète mémoire des hommes ».

T. C. Elimane, le héros, est un génie apatride, précoce et mystérieux. 

« Qui était-il ? Un écrivain absolu ? un plagiaire honteux ? un assassin mystique ? un dévorateur d’âmes ? un nomade éternel ? un libertin distingué ? un enfant qui cherchait son père ? ». Sa vie et l’écriture de son envoûtant « Le labyrinthe de l’inhumain » constitue la trame d’un roman mené comme une enquête. L’occasion d’interroger l’Histoire et le traitement qu’elle a réservé aux poètes nègres, curiosités exotiques pour les membres d’un sérail colonialiste peu enclins à les créditer du talent (p72-73). L’occasion aussi de s’interroger sur le sens de la littérature : « nous ne pensions pas du tout qu’elle sauverait le monde ; nous pensions en revanche qu’elle était le seul moyen de ne pas s’en sauver ».

La question récurrente du texte de Mohamed Mbougar Sarr est la suivante : pour abattre un système, faut-il mener la révolution, chercher l’affrontement ou est-il plus efficace de l’infiltrer, usant de la ruse et du mimétisme ? Il semble que ce dilemme obsède l’auteur, aux aguets, prêt à se repaître de la reconnaissance de ses pairs occidentaux tout en se méfiant, le verbe amer, de leur enthousiasme trompeur.

Écrit dans une langue magnifique, intelligente et sans complexe, « La plus secrète mémoire des hommes » dépoussière avec brio cette rentrée littéraire.

Bilan :🌹🌹🌹

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