S'adapter

S'adapter

S’adapter. Le verbe est darwinien. Ce n’est pas innocent. Quand survient le cataclysme – la révélation de l’anormalité de l’enfant – ceux qui l’entourent n’ont d’autre choix que la survie. L’aîné cesse de courir, apprivoise la lenteur de son frère, «il ne cherchait plus à brusquer la vie dans la crainte qu’elle lui échappe ». La cadette se fait combattante au mépris de ce frère amorphe qu’elle ne supporte plus. : « l’heure était au sauvetage d’une famille en péril. Son père devenait violent, sa mère muette, et son aîné était déjà un fantôme ». Quant au petit dernier, il doit cohabiter avec ce frère dont l’absence a colonisé la mémoire de chacun.

Ils ont pour témoins les pierres, narratrices omniscientes, qui les regardent se débattre avec leurs existences amochées par un drame commun. Trouvaille géniale de l’auteure : opposer ces pierres vibrantes à l’immobilisme oppressant de l’enfant - « un être évanoui avec les yeux ouverts ».

C’est un roman qui touchera les hommes et les femmes qui ont ce voile dans les yeux, cette lueur de tristesse, dernier rempart avant le désespoir et l’abandon. Leur résilience force le respect et l’admiration : « Dira-t-on un jour l’agilité que développent ceux que la vie malmène, leur talent à trouver chaque fois un nouvel équilibre, dira-ton les funambules que sont les éprouvés ? ». 

Ils reconnaîtront les absurdités administratives (p42), la violence du jugement social (« la fragilité engendre la brutalité, comme si le vivant souhaitait punir ce qui ne l’est pas assez »), l’impuissance de la psychothérapie et ces petits riens, ces détails, capables de ressusciter l’envie de sourire (p125).

Merci, chère Clara, d’avoir dézingué l’aphorisme le plus révoltant de la philosophie, ce « tout ce qui ne tue pas rend plus fort » (p100) qui sied peut-être à une start-up en quête d’une énième levée de fonds, mais pas à des parents accablés par l’injustice d’un enfant malade.

Oui, merci, pour ce récit juste et digne, pour cette écriture précise, porteuse d’authentiques émotions.

Bilan :🌹🌹

Numéro Deux

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Et vous, comment vivrez-vous ?

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