Honorer la fureur

Honorer la fureur

Rodolphe Barry s’empare du tourment d’un auteur américain méconnu pour le mettre en scène avec brio. Il y a certainement beaucoup de lui dans son héros, James Agee, un journaliste, un romancier, un poète, un scénariste, un homme de talent et de convictions, échappant au renoncement d’un job alimentaire et d’une vie bien rangée. Barry réussit avec ce livre l’exercice (pourtant périlleux) de la biographie romancée. Il réinvente l’histoire intime d’Agee dans le décor flamboyant de l’Amérique de l’avant et de l’après-guerre. On ressent toute son empathie pour un homme qui ne marchande jamais ses principes. En art comme en amour. Il est viscéralement attaché à sa liberté et ne tolère pas qu’elle puisse être remise en question : « Aucune société, aucune institution, et moins encore de maison d’édition ne saurait avoir la maturité qui lui permette de faire vivre un artiste vrai sans danger mortel pour cet artiste ». Cette liberté, il est prêt à toutes les épreuves pour la garder. Il ne triche pas. Aux cyniques qui le mettent à l’épreuve, il répond avec cette phrase magnifique (presqu’un résumé du livre) : « je n’ai rien à perdre, voilà pourquoi je suis honnête ». Ses contemporains l’aiment pour la sincérité avec laquelle il s’intéresse à des gens plus malheureux que lui, qu’ils soient fermiers ruinés du sud ou vagabonds des métropoles. James Agee s’identifie beaucoup à Charlie Chaplin dont il devient l’ami et dont il partage la conscience sociale, la profonde humanité et le goût des causes perdues. Agee est alcoolique, grille la vie comme un cigarette, enchaîne les aventures mais se marie souvent parce que l’amour, quand il est sincère, ne supporte aucun compromis. J’ai adoré le récit de la vie de cet écrivain entier, génial, torturé, qui n’a cessé de flirter avec la mort et avec la gloire. Il narguait la première et méprisait la seconde. 

Bilan : 🌹🌹

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