La collision

La collision

Le livre de Paul Gasnier fait du bien parce qu’il est l’antidote parfaite aux outrances et aux raccourcis de notre époque. L’auteur prend de la hauteur, cherche à préserver deux espèces en voie de disparition : la mesure et la nuance.

La mère de Paul Gasnier est tuée en 2012 par la KTM d’un jeune maghrébin, Saïd, sur les pentes de la Croix Rousse à Lyon. Ce sont deux France qui s’entrechoquent et que tout oppose (p25). C’en est presque caricatural, du pain béni pour l’extrême droite : voilà une femme irréprochable victime du rodéo urbain d’une r*caille.

Stupeur et désarroi : « la famille idéale, épargnée jusque-là par les coups du sort, se retrouve mise K.O. debout par une catastrophe qui échappe totalement à son monde ». Comment réagir ? Non le drame ne rend pas plus fort (quelle absurdité !) : « Si l’épreuve crée une armure, c’est une armure qui engourdit les mouvements davantage qu’elle ne les renforce ».

Devant tant d’injustice, Paul Gasnier aurait pu basculer dans la haine, rejoindre un parti facho, assouvir sa vengeance. Il choisit la sagesse de Gandhi : comprendre qui est l’assassin de sa mère pour espérer trouver la paix. Son enquête le mène à l’avocat de Saïd (p45), à sa sœur (p125), à son éducateur (page 94) et jusqu’au juge chargé d’instruire le dossier. C’est fascinant et instructif. L’auteur nous fait découvrir les rouages de la machine judiciaire (p157), et nous détaille la suite des causalités (l’ennui, la drogue, l’hubris, entre autres) qui conduisent un jeune issu de l’immigration à fauter, et à récidiver (« En Sisyphe des pentes, il a laissé dégringoler son rocher une nouvelle fois »).

Une ode à la puissance du pardon, un hymne à l’intelligence, une raison de croire (elles se font rares) à l’humanité. Un must de cette rentrée littéraire.

Appréciation : 🌹🌹

L'adieu au visage

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Tambora

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