Que notre joie demeure

Que notre joie demeure

Elle s’appelle Céline Wachowski.

Elle a le prénom d’une vedette de la chanson francophone et le nom d’un réalisateur transgenre avant-gardiste. Une starchitecte, une vraie, qui croit en son métier (p94).

Elle a aussi la morgue d’Anna Wintour, la froideur de Lydia Tár, le génie de Zaha Hadid et probablement (c’est mon fantasme), le magnétisme de Tilda Swinton.

Mais qui est-elle vraiment ? Le roman consiste à résoudre son énigme, à percer ses secrets par le prisme des évènements dont elle occupe le premier plan.

Une fête en son honneur d’abord, première partie du livre époustouflante, qui rappelle « La Grande Bellezza » pour son intelligence et son intensité, le délire à la Fellini en moins.

Une analyse lucide et implacable de sa déchéance, ensuite. Céline est sacrifiée sur l’autel médiatique, malmenée par cette jeune génération qui a « une belle conscience mais une tête vide », trahie par des collaborateurs qu’elle a bousculés, des audaces devenues intolérables, des politiciens véreux qui la vénéraient, des soi-disant pactes faustiens, ce qui fait la précarité d’une cheffe d’entreprise obligée d’écorner sa conscience pour réussir (pages 188-189).

Une fête d’anniversaire, enfin, qui peut, à tout moment, virer au règlement de comptes ou à la cérémonie funéraire.

Le milieu professionnel choisi par l’auteur est celui de l’architecture : idéal pour évoquer les enjeux culturels, l’emprise du capitalisme néo-libéral et la désagrégation d’une société qui perd ses repères.

Il faut aussi parler du style, fougueux, fourmillant, fouillé, rappelant Marcel Proust auquel l’auteur rend hommage par la voix de ses personnages.

C’est ce que j’appelle un roman « total », un livre qui, en suivant la trajectoire d’un monstre sacré, entend comprendre les choix d’une vie et palper le pouls d’une époque. Une réussite.

Bilan : 🌹🌹🌹

Sarah, Suzanne et l'écrivain

Sarah, Suzanne et l'écrivain

Jeudi

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