Sarah, Suzanne et l'écrivain

Sarah, Suzanne et l'écrivain

Si je doute qu’on puisse avoir vécu sans avoir lu « Cent ans de solitude » ou « Le choix de Sophie », faire l’impasse sur « Sarah, Suzanne et l’écrivain » ne vous laissera aucun regret.

Le pitch ? Un écrivain dialogue avec le modèle de l’héroïne de son roman (Sarah) tout en narrant l’histoire de cette héroïne (Suzanne) qui, elle-même, est écrivaine. Vous suivez ? Je n’ai pas compris l’intérêt de croiser les récits de Sarah et de Suzanne. Ça n’apporte rien si ce n’est la confusion, une impression diffuse d’écriture diluée, d’un récit qui s’étire jusqu’à l’ennui.

Il fallait se concentrer sur le drame de Suzanne, sur sa fascination pour un tableau figurant la claustration (grosse symbolique) qui donne au livre son intérêt (très beau chapitre 10). Le personnage de Suzanne dont la bouffée délirante arrive trop vite pour être crédible. Dommage, parce que son évocation est puissante tout comme son séjour en HP, d’une grande justesse.

Quant à l’écrivain, on a franchi un palier dans l’autofiction. Ce trio masturbatoire sert l’ego d’Éric Reinhardt qui, en mode making-of (ex : pages 98, 130, 194, 234, 270…), étale ses états d’âme d’homme vieillissant (tyrannie du désir, fragilité du couple, sens de la famille, remises en question). Ça m’a barbée, exaspérée, car il est présomptueux d’élever la banalité du quotidien en art majeur, persuadé que la mise en abyme vous absoudra. L’expression « se regarder écrire » n’a jamais été aussi pertinente.

À l’instar de Foenkinos, cette anomalie de la collection blanche, Éric Reinhardt cherche trop l’inspiration dans le reflet de son miroir. Il n’en avait pas besoin. Sarah, sa muse, lui suffisait. Lui donner un rôle n’avait qu’à seul intérêt, être adulé par son fan club : « Éric, à l’écoute de ses lectrices. Éric, le sauveur des cœurs meurtris ». Beurk.

Les jurés du Goncourt auront peut-être la faiblesse (Gallimard oblige) de récompenser cet ouvrage à qui il manque la cohérence. Déprime.

Bilan : 🔪

Humus

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Que notre joie demeure

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