Rhapsodie des oubliés

Rhapsodie des oubliés

Mieux la Goutte d’or que le Triangle d’or ! J’en ai soupé des histoires de femmes névrosées dont l’unique problème est de confier leur 4X4 au voiturier de la rue Montaigne ! Là, on a de l’authentique, du sincère, du spontané, de l’inventif, du vivant ! Naturaliste comme du Zola, émouvant comme du Gary (on pense à la Madame Rosa de « La vie devant soi »), décomplexé comme du Rajaa Alsanea (Les filles de Riyad), le roman de Sofia Aouine est non seulement divertissant, il est nécessaire. Le rôle d’un écrivain est de donner à voir. À voir des mondes où le lecteur n’ira jamais. L’auteur les rend familiers, attachants, accessibles. Mission accomplie. J’ai été sensible à la langue de la rue, imagée, créative, irrésistible. Les salafistes sont des barbapapas, les femmes en niqab des batmans. On ne s’adonne pas à l’onanisme, on pratique la bagnette et la psychologue, c’est la dame de « l’ouvrir dedans ». Sofia Aouine aime viscéralement ce quartier du XVIIIe (descriptions magnifiques dans les premières pages) et ses habitants. Sous sa plume, les balafres ont du charme, les blessures sont toujours près du cœur. Les délinquants, les égarés, les putes, les mécréants, les apprentis jihadistes, les dealers, les clodos, les maquereaux, les petits vieux, les travailleurs immigrés… Chacun a sa place sur cette planète qui résiste à tous les envahisseurs, à la gentrification, à l’islamisation, à la drogue et aux descentes de police. Sofia Aouine leur donne une voix. J’ai été particulièrement touchée par le journal de la jeune musulmane déchirée entre son désir d’émancipation et le respect qu’elle doit à sa communauté (pages 111-118). Émue aussi par les confessions de la vieille dame qui voit sa vie lui échapper. Bouleversée par le tragique destin de Gervaise, la prostituée venue d’Afrique. Un livre beau et fort, une célébration d’un quartier haut en couleurs et en douleurs.

Bilan : 🌹🌹🌹



Un monstre et un chaos

Un monstre et un chaos

Les feux

Les feux