Traverser la nuit

Traverser la nuit

J’avais été époustouflée par le premier roman d’Hervé Le Corre « L’homme aux lèvres de Saphir ». Pour les mêmes raisons qu’un James Ellroy ou qu’un Maurice G. Dantec peuvent subjuguer : cette capacité phénoménale à loger le crime dans une époque et une atmosphère qui donnent à l’enquête son épaisseur. Mon erreur, c’est d’avoir souhaité le même miracle dans « Traverser la nuit », alors qu’aucune des conditions citées n’y est réunie : l’époque est contemporaine et la ville, Bordeaux, fait office de pâle figurante.

Pire, j’ai cru que la singularité de ce polar résidait dans l’horreur du forfait ou dans le caractère abject de son psychopathe. Poussés par les Scandinaves, les écrivains se laissent entraîner dans une surenchère du glauque alors qu’on a déjà bien franchi les limites du supportable (ex : « J’étais Dora Suarez »). Car la vie et le mobile du tueur en série d’Hervé Le Corre, le dénommé Christian, franchissent une nouvelle frontière de l’impensable. Ils ne vont pas s’en rappeler les abîmes humaines de l’excellente série « True Detective ».

L’intérêt de ce livre n’est donc ni l’intrigue, ni le meurtre, ni l’assassin. C’est la personnalité et les errances de l’inspecteur Jourdan qui tiennent ce roman. Il traverse (la nuit) ses enquêtes avec dégoût et lassitude, conscient qu’à chaque nouvelle victime découverte, sa nausée monte et que sa foi en l’humanité s’éloigne un peu plus. Un inspecteur désabusé, rongé par sa routine macabre, à la recherche d’un second souffle ? Et oui, ça aussi, c’est du déjà lu.
La plume de Le Corre est toujours aussi acérée (exemples pages 45, 140, 165) mais l’histoire qu’elle façonne manque de corps et d’esprit. Quant à la fin, sans la dévoiler, il faut m’expliquer comment un flic aguerri, attentif aux détails, peut baisser aussi facilement la garde. Parce qu’il est perdu, déboussolé ? Je n’ai pas été convaincue.

Bilan :🔪

La nuit des orateurs

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Ce matin-là

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